N°104 - Révélé Mustélidé - Les Religions d'État

Dans tout le Cybermonde, il n'existe qu'une seule véritable théocratie, la Théocratie Seelienne, consacrée à la Grand Déesse.
D'aucun s'empresserait un peu trop hâtivement de rajouter l'Atasie, la Grande Ruthvénie et le Valégro, mais dans les faits, ce ne sont là en réalité que des monarchies qui assoient artificiellement leur légitimité, l'une sur Naar, les deux autres sur la Grande Déesse.
Mais outre cette théocratie formelle, unique, il existe peu de nations qui n'ont pas de Concordat, tacite ou clairement énoncé dans leurs Constitutions respectives, avec tel ou tel culte. Quand le Panaguam est indépendant, il se voue encore à Naar, non seulement dans l'intimité de la conscience privée de la plupart de ses habitants, mais également dans la vie publique.. Car c'est cela qui fait d'un culte une Religion d'État: cette conscience religieuse qui s'immisce dans la vie publique.

Dès lors qu'il y a une religion d'état, la limite avec une théocratie est ténue. La différence tient à peu de choses: dans une théocratie, la vie publique se repose entièrement sur le dogme; dans une nation avec religion d'état, le dogme n'est qu'un argument, habituellement secondaier.
A travers le Cybermonde, il y a un large panel de positions entre la laïcité et la religion d'état.

Le Milieu, Crab Key et l'Australine se trouvent à un extrême de cette échelle. La religion n'y a habituellement pas d'influence, bien qu'il soit arrivé ponctuellement qu'un Gouverneur (ou un Big Boss) se prît à imposer son culte et à s'appuyer sur le dogme de celui-ci pour ses décisions. Mais cela n'est qu'exceptionnel.

La République de Kraland et la Boulétie occupent l'échelon suivant. En effet, le Nablacien et l'Esprit Boulet sont, si on les étudie bien, les sujets de non-cultes, élevés alors à des valeurs nationales en tant que tels. A cause de cela, on peut également les placer à l'autre extrême de cette échelle, juste derrière la Théocratie Seelienne. Ces deux nations ont un non-culte pour religion d'état.

La Cambrousse, habituée aux compromis entre Bruns et Paradigmiens, entre Malfaisants et Écologistes, … naaristes et cultistes de la Conscience Universelle , n'a pas de Religion d'État fixe. , en tout cas lors de ses périodes d'indépendance. On peut même estimer que même sous occupation, le compromis est une valeur provinciale mue par une situation particulière, et que ce compromis exige de la part des Cambroussardes et Cambroussards qu'ils acceptent le Culte de la Conscience Universelle s'ils sont Naaristes, et le Culte de Naar s'ils vénèrent la Conscience Universelle. S'il arrive parfois que des cas à part veuillent briser ce compromis pour narguer l'autre partie, c'est une manoeuvre exceptionnelle motivée par la stupidité.

Viennent ensuite le Paradigme Vert et la Confédération Libre. Certes, il existe dans chacune de ces nations un culte prépondérant. Mais ces cultes n'ont théoriquement que peu d'influence directe sur la vie publique. Bien sûr, un croyant placé à un poste de responsabilité prendra ses décisions influencé par sa conscience morale teintée par sa foi, qui se trouvera souvent être en la Conscience Universelle au Paradigme Vert, et en Saint-Evgueni en Confédération Libre. Néanmoins, cette foi servira rarement d'argument. Parfois, cependant, il arrivera, il est déjà arrivé, qu'un Régent ou une Régente tienne à porter le Culte de la Conscience Universelle à une importance très forte dans la politique paradigmienne, tout comme il est advenu, et il adviendra encore, qu'un Président ou une Présidente ait promis dans son programme que la foi en Saint-Evgueni serait une Religion d'État. Mais cela reste exceptionnel et plus encore en Confédération Libre où, malgré leur foi, certains défendront de toutes leurs forces la laïcité, au nom de la démocratie et de la liberté de conscience.

Le Khanat Elmérien et la Palladium Corporation sont dans des situations similaires à cette différence près qu'il arrivera plus souvent qu'au Paradigme Verte ou en Confédération Libre que la religion influe la vie publique. La présence de nombreux Clans religieux l'explique au Khanat. Quand à la Corporation, c'est simplement le hasard qui fait que l'Histoire n'a pas marqué sa Constitution de barrages laïques contre cette religiosité. Et peut-être sont ils un peu plus pragmatiques comme nous allons démontrer que le pragmatisme influe la vie religieuse brune.

L'Empire Brun, en effet, se place juste avant les monarchies de droit religieux citées en introduction. Le Naarisme y est presque une religion d'état. Plus encore qu'ailleurs dans le Cybermonde, il arrivera qu'un Empereur ou une Impératrice "rappelle" que le Naarisme est le seul culte autorisé en Empire Brun. Plus que dans les autres dictatures qui ne sont pas théocratiques, les autres religions que le Naarisme sont souvent, voire presque constamment, interdites.
Il faut souvent voir dans cette interdiction des autres cultes, et dans ce favoritisme éhonté envers le Naarisme, un pragmatisme très brun que je ne peux par conséquent, pour cette part tout du moins, qu'approuver.
Étant donné en effet qu'une majorité des Bruns prient Naar (espérant une rétribution en pouvoir pour l'Oligarchie Malveillante, et le suppliant d'être épargnés quand adviendra l'Horreur sur le Cybermonde pour les masses grouillantes soumises), c'est un calcul mesquin que d'encourager plus de gens encore à en faire autant. Plus Naar est prié (par conviction ou non), plus il récolte la puissance nécessaire pour intervenir, pour le gouvernement ou pour ses cultistes. En outre, plus la religion majoritaire de l'Empire aura de croyants, plus l'idéologie brune aura de rayonnement dans le Cybermonde, ceux que les calculs arrivistes estiment comme intéressant pour le gouvernement et les naaristes. C'est bassement pragmatique, donc très brun, donc j'approuve en partie.
Par contre, c'est oublier que la valeur fondamentale de l'Empire Brun n'est pas le Naarisme mais le Mal, et que le Mal ne se cantonne pas à un culte unique. Nombreux sont les croyants d'autres cultes (à commencer par la Corbeille Universelle) qui sont Malveillants voire Malfaisants. Je connais même une grande prêtresse du "côté obscur" de la Conscience Universelle. Le Mal n'est pas l'apanage d'une seule religion. Instaurer une Religion d'État en Empire Brun, c'est se priver de nombreuses malveillances.

Nous ne nous étendrons pas sur la fin de cette classification, puisque nous avons déjà parlé des monarchies religieuses ruthvènes, valégrognardes et atasiennes, comme il est inutile de préciser que l'extrême religieux de cette échelle est la Théocratie Seelienne.
D'autres nations, comme l'Andalousie du Nord, le Désert de Glace, n'ont pas été citées, et nous laisserons aux lectrices et lecteurs le soin de les situer eux-même sur l'échelle en question.

On tirera du cas particulier de l'Empire Brun les généralités qu'on voudra, notamment sur le pragmatisme cultuel calculateur qui peut motiver souvent des poussées de Religion d'État. Peut-être aussi est-ce un calcul mesquin, plus personnel cette fois, qui explique la prépondérance au niveau cybermondial des cultes de la Grande Déesse et de Naar. Plus que la foi, c'est l'intérêt qui motive peut-être de nombreuses conversions. On a en effet plus de chance qu'une Déesse ou un Démon déjà très vénéré ait assez de puissance pour intercéder pour soi si on le vénère à son tour, qu'on en aurait d'avoir la même intercession de la part d'une divinité moins alimentée en puissance parce que moins révérée.
Ces deux situations, le pragmatisme d'état et le pragmatisme personnel, se nourrissant l'une l'autre, il y aura toujours des poussées de religion d'état. Et souvent par calcul.

En conclusion, on pourra constater que la Démocratie et la Liberté existent très bien sans Saint-Evgueni, le Mal sans Naar, l'Écologisme sans Conscience Universelle, le Banano-Capitalisme sans Corbeille Sacrée, la Grande Trève sans Ovule Sacré, la Monarchie sans Naar ou la Grande Déesse, le Social-Graffitisme sans le Nablacien. Seuls les calculs créent les religions d'état, et peut-être, dans une moindre mesure, le conformisme: on prie Naar en Empire Brun parce que d'autres y prient déjà Naar.